Deux professeurs, de collège et de lycée, ont proposé à leurs élèves d'écrire une nouvelle et de se tutorer, avec deux problématiques didactiques : l'utilisation d'un logiciel d'écriture collaborative en ligne facilite-t-elle l'écriture ? Le tutorat par un lycée améliore-t-il les productions ?

Une ressource proposée par Pascale Grégoire, professeur au collège, et Dominique Decombat-Busato, professeur au lycée, dans le cadre des Heures numériques (2014)

Compétences et objectifs

  • Effectuer des recherches individuelles sur différents supports : dictionnaire, encyclopédie, roman, sites Internet.
  • Écrire une nouvelle contemporaine.
  • Intégrer une argumentation implicite.

Contexte didactique

  • une classe de 3e de 29 élèves, dont 2 allophones et un en refus scolaire ;
  • la séquence débute en novembre et se termine le 31 janvier : date pour rendre les nouvelles selon la présentation demandée (police : arial 12 justifié), les fautes étant corrigées. Concrètement, le travail s'étale sur 4 heures effectives de cours, avec 6 heures en dehors des cours pour les élèves ne s'impliquant pas dans le projet d'écriture. Il est nécessaire de faire des rappels sur les 2 mois et demi que dure le travail personnel : consignes, date butoir ;
  • pré-requis du programme scolaire : les caractéristiques de la nouvelle contemporaine et l'argumentation implicite
  • pré-requis dans l'organisation : chaque élève fait des recherches sur un thème, les groupes de rédaction écrivent une proposition d'emploi pour leur tuteur, les liens d'outil d'écriture collaborative1 sont crées ;
  • accès à la salle informatique indispensable.

Démarche pédagogique

Séance 1

Dix thèmes (racisme, peine de mort, guerre, famille, sport, société de consommation, médias, pouvoir de l'art, l'Homme et la science, l'esclavage) sont proposés à la classe : des groupes sont formés selon leur préférence. Les élèves feront donc des recherches qu’ils partageront sur un mur d'outil de partage en ligne.

Séance 2

Ecriture d’un incipit d’une nouvelle contemporaine par chaque élève, en relation avec son thème. Les débuts de nouvelle sont réunis et des groupes sont constitués par un tirage au sort.

Le hasard du tirage au sort permet de réunir des thèmes différents dans chaque groupe d'écriture, ainsi que de simplifier la gestion (du temps, car c'est rapide ; et des susceptibilités des élèves, désireux de rester avec leurs amis, ou avec des camarades sur lesquels ils pourraient s'appuyer).

Le logiciel d’écriture collaborative en ligne "Framapad" est présenté : une réflexion sur l’élaboration d’une charte d’utilisation est initiée, car certains élèves soulèvent la question du respect des écrits, des idées de chacun. Le projet est à approfondir à la maison, en s'appuyant sur leurs connaissances en ce domaine.

Séance 3

Elaboration de la charte par les élèves : grâce au vidéoprojecteur, le travail est fait à l'oral. En effet, une page d'écriture collaborative est projetée à l'écran : les élèves proposent leurs règles, qui sont débattues en classe et ensuite intégrées ou non dans le règlement.

La charte de travail sur Internet qui existe dans le carnet de correspondance est une base, puis des réflexions enrichissent le débat : le respect du travail des autres, le regard de l'enseignant... L'objectif est de souligner que le logiciel en ligne ouvre un lieu d'échange respectueux, permettant un travail collaboratif. Mais, étant public, les règles de prudence sont de mise : le chat permet un dialogue qui reste affiché même si les élèves quittent la page, il ne faut donc pas donner d'éléments personnels (numéro de téléphone, adresse de courriel ou postale...)

Les interventions des tuteurs lycéens dépendent des besoins des collégiens : chaque groupe doit donc rédiger une proposition d'emploi détaillée. Un travail sur leurs attentes à présenter aux lycéens est commencé : identification des besoins et des souhaits de chaque groupe. À rendre à la séance suivante.

Séance 4

Rappel des critères d’évaluation de la nouvelle contemporaine présentant une critique implicite (pré-requis établis lors de la séquence précédente : lecture et analyse de nouvelles contemporaines à chute, et présentant une argumentation implicite) :

  • un texte de deux pages (police : arial 12, justifié, avec paragraphes),
  • contenant des passages descriptifs,
  • dans un cadre réaliste,
  • enrichis par les recherches effectuées sur leur thème individuel,
  • proposant une opinion personnelle exprimée au travers des situations ou des personnages
  • la participation : il est attendu qu'elle soit équilibrée entre les membres du groupe. Elle est vérifiée grâce à la fonction de navigation dans l'écriture, ainsi qu'à la couleur unique choisie par chacun. En effet, l'outil d'écriture collaborative permet à chaque intervenant d'adopter une couleur, conservée durant tout le projet, et de pouvoir ainsi identifier les moments d'écriture de chaque élève.

Séance 5

Durant le mois de janvier, ayant constaté que 10 élèves n'allaient pas écrire surleur page collaborative respective, ils ont été convoqués durant 2 heures par semaine (6 heures au total) pour s'impliquer dans le projet. Ce qui leur a été profitable, puisque la majorité a participé volontiers au final.

Bilan de l'expérimentation

Le logiciel d’écriture collaborative en ligne a permis à chacun d’écrire à son rythme. Cependant, il est vite apparu qu’un tiers de la classe ne participait pas, ou très peu. Les raisons données par les élèves sont variées : pas d’accès à un ordinateur (le CDI le permet), pas d’idée, ou peur du regard des autres élèves du groupe jugés meilleurs. Pour leur permettre malgré tout de collaborer, les convocations en salle informatique ont été bénéfiques à la majorité : ils ont écrit, proposé des idées, des changements et enrichi les nouvelles de leur univers personnel. La maîtrise de la langue n’a pas profité pleinement du traitement de texte, beaucoup de fautes sont demeurées après correction, que ce soit des lycéens ou des collégiens.

Le tutorat des lycéens offre un bilan mitigé : autant lorsque l’élève est impliqué et volontaire, le tuteur est intervenu pour améliorer la cohérence, pour corriger les fautes, pour étoffer la rédaction… Autant lorsqu'il était passif, le groupe exprimait parfois des besoins auxquels il n’avait aucune réponse, ou le groupe ne demandait rien à un tuteur qui ne faisait rien.

Un constat est à faire sur l’utilisation de l'outil d'écriture collaborative : des élèves ont apparemment eu accès aux liens de chaque rédaction, et des interventions inopinées et inutiles ont eu lieu par l’intermédiaire du chat. Les pages sont publiques et restent sur Internet tant que l'administrateur (le professeur en ce cas précis) laisse ces pages exister. Ainsi, ces ingérences sont un exemple concret des actions dont chacun peut être la victime sur l'espace ouvert et public qu'est Internet. L'éducation aux médias prend tout son sens aux yeux des élèves.

Au final, les nouvelles écrites étaient riches et ont heureusement surpris leurs auteurs. Certains ont avoué qu’ils ne pensaient pas être capables de faire aussi bien. D’autres ont apprécié la confrontation à d’autres styles, d’autres idées, qui leur ouvrait des perspectives.