Un groupe d’enseignants de collège et de lycée s’est interrogé sur l’apport éventuel d’un outil de lecture en ligne. L’application en ligne permet d’accéder à des œuvres intégrales et de créer un groupe social (la classe par exemple), qui échange à propos de cette œuvre, à partir d’un système de gloses partagées dans la marge du texte. Il s’agit d’une démarche d’observation d’une expérience, qui permettait de définir si l’application serait utile aux élèves. Au moment où le COVID-19 nous contraint à repenser notre organisation, nous pouvons peut-être nous enrichir de cette expérience pour éventuellement nous emparer de l’outil — gratuit pendant la crise — .
Retour d'expériences 2017-2020
Retour d'expérimentation avec l'application de lecture Glose Éducation 2017-2020 par Stéphanie Lokoli, professeure de Lettres au collège.
Première année, 2017-2018 : Glose comme support de lecture collaborative pour la réécriture d'un roman d'aventures, La Rivière à l'envers, en 5e.
- Très vite on a pu se diriger vers une appropriation collective de la lecture. Les élèves ont pu se corriger entre eux , se reprendre et surtout, devenir acteurs de leur projet en s’appropriant le texte de façon personnelle.
- La sélection des scènes pour l’adaptation théâtrale est née de leur choix de lecture. Une lecture enrichie par la mise en mots d’un espace scénique, d’un espace théâtral. Et la possibilité de revenir en arrière pour étoffer leurs interprétations.
- Mise en appétit de cette lecture collaborative qui, pour certains, a été enrichie par la lecture du Tome 2 de la Rivière à l’envers, “Hannah”.
Deuxième année 2018-2019 : La lecture numérique comme lieu d'articulation entre l'écriture et l'oralisation - réactualisation du procès de Claude Gueux, en 4e
Lecture de l’œuvre de façon intégrale sur l’application numérique et étudiée en classe. Chaque travail d’écriture , notamment la reconnaissance des différents acteurs d’un procès a pu se faire en ligne.
- Pratique d’enseignement diversifiée, puisque que je partais de leur constat en ligne et que j’adaptais mes séances par rapport à eux.
- Pour l’écriture de la réactualisation du procès de Claude Gueux ( plaidoiries, dialogues entre les différentes parties etc) , Glose aura permis d’avoir un lecteur actif, critique devant certains extraits du texte puisqu’il fallait une mise en perspective de l’univers carcéral d’hier à aujourd’hui, tout comme l’univers de la justice avec ses articles de loi.
- Ce positionnement de lecteur critique a en partie été nourri lors de nombreuses interventions comme celle de la venue de deux surveillantes pénitentiaires, une sortie en audience correctionnelle au palais de justice de Chambéry, des étudiantes en droit des affaires venues oraliser leur lecture puis leur texte pour la réactualisation.
- La lecture numérique a donné du sens à leurs apprentissages et à leur travail de recherche grâce notamment au fait de jouer leur production à l’abbaye de Clairvaux, dans l’Aube et à côté de la cellule de Claude Gueux.
Troisième année 2019-2020 : la lecture numérique au service de l'école inclusive et des formes de discrimination - adaptation d'Albert le Toubab en lien avec les élèves malentendants de l'INJS, en 5e puis étendu aux autres niveaux du collège
- Début du projet : septembre. Lecture de l’œuvre de façon cursive avec deux classes de 5e dont des élèves malentendants. La lecture a donc été accessible à tous, permis des échanges interactifs entre les élèves sourds et entendants , ce qui n’était pas toujours le cas dans une lecture scolaire.
- Avant les vacances : De la lecture à l'écriture. Écriture du texte . La réécriture de l’œuvre est partie de leur choix de lecture et de leur préférence, surtout. Puis, chaque scène a été réécrite sur ordinateur donc la lecture numérique servait de support de lecture ou d’écriture ( très peu ). Elle aura aussi permis d’engager une réflexion sur le travail de la mise en scène , de la mémorisation aussi et du racisme.
- De novembre à mars, semaine de lutte contre les formes de discrimination: De l’écriture à la mise en scène. L’inclusion, à la scène.
Le projet a été élargi (sans le vouloir) puisque j’ai souhaité accueillir l’autrice, Yael Hassan. De fait, le club lecture du collège, mené par ma collègue professeur documentaliste, se joint à nous (donc les élèves de ce club lisent l’œuvre) puis ma collègue de français la fait lire à ses élèves de 5e aussi.
Ensemble, afin de recevoir l’autrice dans de bonnes conditions, nous avons choisi de présenter des scènes du spectacle en cours d’élaboration en faisant en sorte que des entendants donnent la réplique aux malentendants (et inversement car des élèves sont investis dans l’atelier langue des signes), une bande annonce créée par le club lecture va être organisée puis ma collègue de français va mener un travail autour du dessin dans Albert le Toubab, réécrire l’œuvre d’une autre façon finalement.
- D’autres élèves - que je n’ai pas cette année - se joignent au projet également. Un élève de troisième fera la première partie du spectacle en rédigeant, à partir de l’œuvre, un plaidoyer sur l’inclusion. Il donnera ainsi la réplique à une élève de 5e qui a rédigé aussi, cette plaidoirie.
- Certains élèves de 6e - que j’ai pu avoir en co-enseignement - seront aussi de la fête. Ils ont lu l’œuvre également.
L’application numérique peut donc nourrir un projet qui va au-delà des différences.
La fonction d’enseignement se décline en un rôle d'éducateur (s'assurer de la bienveillance des propos échangés); de pédagogue (aspect didactique), de médiateur (culture numérique / livre et édition numérique) ainsi que rôle de formateur (expliciter les fonctionnalités liées à l'outil numérique) afin de favoriser l’appropriation du support numérique dans le cadre des apprentissages. C’est l’ensemble des échanges entre l’enseignant — d’après les objectifs de d’enseignement — et le feedback des apprenant usager qui contribuent à définir les usages pédagogiques, au travers de l’activité de lecture numérique.
Retour d'expérimentation avec l'application de lecture Glose Education 2017-2020 : Mme Emmanuelle Dompmartin a proposé l'activité suivante à ses élèves de STMG pour aborder une lecture d’œuvre intégrale (avant la réforme)
PAUCA MEAE, Victor Hugo.
Victor Hugo publie le recueil poétique Les Contemplations en 1856. Il est composé de 70 poèmes répartis en 6 livres (chapitres) formant deux parties symétriques intitulées : « Autrefois (1830-1843) » et « Aujourd’hui (1843-1856) »
Le livre IV, Pauca Meae, qui rassemble 17 poèmes, est centré sur la figure de Léopoldine, la fille de Victor Hugo, disparue accidentellement le 4 septembre 1843, en se noyant lors d’une promenade en barque sur la Seine en compagnie de son mari Charles Vacquerie.
>> Lecture du recueil sur GLOSE :
1ère étape : Lecture personnelle
Parcourez les différents poèmes et traitez l’une des consignes proposées en privilégiant 3, 4 ou 5 poèmes.
CONSIGNES (au choix) :
A/ Surlignez les vers ou passages qui vous paraissent rendre compte de la diversité ou de l’évolution des sentiments de Victor Hugo. Proposez un commentaire en annotation pour expliquer votre choix.
B/ Selon les poèmes, quelle image V. Hugo donne-t-il de sa fille ? Relevez et annotez les vers qui vous semblent expressifs.
C/ Dans quels vers ou passages la souffrance du poète vous paraît-elle la plus manifeste, la plus touchante ? Expliquez pourquoi en annotations.
D/ Relevez et surlignez tous les termes ou expressions par lesquels est désignée Léopoldine. Qu’en pensez-vous ? Précisez-le en annotations.
E/ Relevez les vers ou passages qui expriment les liens entre le père et la fille. Commentez en annotations la relation qui se dessine entre ces deux êtres.
F/ Relevez des vers ou passages qui décrivent des attitudes différentes de la part de Victor Hugo. Expliquez en annotations à quel état d’esprit correspondent ces attitudes selon vous.
2ème étape : Lecture collaborative
Échangez vos impressions et commentaires avec un partenaire de lecture en partageant vos annotations.
Quelques observations : usages pédagogiques
Bilan rédigé par le groupe d'enseignants expérimentateurs.
Inclusion et différenciation
Accessibilité. Les paramètres d’affichage de la plateforme est personnalisable (taille de la police, choix ergonomique / couleur du texte et police de caractère (différents styles notamment pour les personnes dyslexiques).
Gestion de l’hétérogénéité. Les enseignants expérimentateurs ont proposé différents types de questions : sur le repérage, le ressenti, les procédés linguistiques, afin de créer plusieurs portes d’entrée pour l’intérêt de l’œuvre et l’accompagnement de sa compréhension. On a ainsi un questionnement adapté aux différents groupes de besoin. Par ailleurs, la prise en compte de l’individualité de chaque élève est possible (adaptation de la vitesse de lecture, respect de la visibilité des publications( publique ou privée selon le choix de l’élève).
Égalité des chances. En établissement, on a porté une grande attention à la question de l’accès à l’application : s’assurer de la lisibilité de la ressource ainsi que des modalités d’accès (RGPD/données personnelles : gratuit payant : acquisition des droits d’auteur) ; prendre connaissance de la politique éditoriale de la plateforme numérique. La question du support de lecture : les enseignants ont été conduits à identifier les supports de lecture et en émettre des propositions dans le cadre de l’accompagnement de la pédagogique numérique ; à proposer une approche multi-support pour une meilleure adaptation en contexte pédagogique devant le groupe classe (PC, smartphone, tablette...).
2. Vers une appropriation collective de la lecture
Légitimité de chaque élève à être lecteur. Chacun peut gloser dans la marge : sa voix, son écriture, sa parole de lecteur sont légitimes, entendues et lisibles.
Lecture enrichie. Pour l’enseignant comme pour l’élève, avec la notion de feedback, on peut dialoguer, enrichir l’interprétation, rediriger, augmenter, compléter… L’outil permet de jalonner le texte , avec les consignes de l’enseignant (marquer le début et la fin de l’extrait étudié).
Lectures plurielles, lecture sociale. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement d’une lecture individuelle, ni même seulement d’un dialogue maître-élève (lecteur expert, lecteur apprenti), mais d’une lecture plurielle, sociale, où les apports de chacun contribuent à l’interprétation de tous : le groupe devient communauté interprétative.
3. Vers une appropriation personnelle de la lecture
Les enseignants expérimentateurs constatent cependant que la démarche mise en place favorise l’appropriation personnelle de la lecture. En présentiel, sur le temps de la classe, tout comme en distanciel, sur le temps hors classe.
- Ré-affirmation du sujet lecteur ; un lecteur actif, impliqué, critique…
- Lecture plaisir et lecture scolaire.
- étayage du goût, appétence, curiosité, sérendipité, connaissances. (en référence au socle commun de connaissances et de compétences ).
En bref
- L'outil est fédérateur : groupe de lecture créé à partir du groupe classe et modélisé sous forme d’un réseau social en ligne sur la plateforme. Partage des traces de lecture ;
- Action concrète au sein de l’œuvre littéraire rendu possible par la version dématérialisée en numérique ;
- Impact en termes de suivi pédagogique de l’élève : trace de lecture (citations, commentaires) ;
- Plus implicitement : désacralisation de l‘objet livre objet du savoir; représentation de la tâche / objectifs pédagogiques sans doute différente ;
- Sensibilisation d’autant plus forte au droit d’auteur et l’exploitation du droit de citation ;
- Différenciation de ses idées et celles de l’auteur : travail d’écriture /reformulation
- Justification à partir du texte de l’auteur pour argumenter, illustrer les réponses