Différentes questions se posent à l'enseignant au lycée concernant l'enseignement de la langue : que faire réviser aux élèves ? Comment aborder, puis rappeler des notions ? Comment s'assurer qu'elles sont assimilées ? Comment préparer les élèves à l'interrogation orale en grammaire à l'EAF ? Cette ressource produite par Céline Saluzzo et Laetitia Agut, enseignantes au lycée Renée Perrin d'Ugine, propose des exemples concrets de séances de langue associées à la mise en oeuvre d'une progression en grammaire pour les classes de 1ère en vue de l'EAF.

Une ressource proposée par Céline Saluzzo et Laëtitia Agut, professeures au lycée René Perrin d'Ugine

Questionnement

  • Que faire réviser aux élèves ?
  • Comment aborder, puis rappeler des notions ?
  • Comment s'assurer qu'elles sont assimilées ?
  • Comment préparer les élèves à l'interrogation orale en grammaire à l'EAF ?

Démarche pédagogique

La stratégie adoptée a consisté à constituer nos corpus en lien avec la séquence étudiée et à faire en sorte que, dans chaque corpus, tous les cas importants liés à la notion soient représentés ce qui signifie que les exceptions, les cas rares ou complexes ne figurent pas forcément dans nos corpus. C’est un moyen pour nous de gagner du temps dans le traitement des questions de grammaire.

Il nous semble que le but du programme en grammaire est de sensibiliser les élèves à la langue et qu’ils soient capables d’en comprendre le fonctionnement, de l’expliquer sans pour autant être des grammairiens aguerris.

Ce que nous attendons de nos élèves c’est qu’ils soient en capacité d’analyser et d’expliquer un fait de langue mais aussi de soulever/ de sentir un problème tout en disant qu’ils n’ont pas forcément de réponse (sur une notion ou sur une exception non traitées).

Étant donné la densité du programme de première et l'échéance du baccalauréat, il nous paraît essentiel de faire de la grammaire « efficace » et donc d'aborder les cas les plus courants, récurrents afin que les élèves soient en capacité de les réinvestir à l'oral (question de grammaire) et à l'écrit (qualité de la langue).

Nous avons intégré en fin de séquence « un moment de langue » pour permettre à l'élève sur le mode de la coopération, en binôme, de faire les remarques nécessaires sur une phrase. Cette phase du travail permet de préparer l'élève à la question de langue de l'EAF.

Les Fables de La Fontaine (séquence 2) et parcours associé "Imagination et pensée au XVIIe siècle (séquence 1)

Séquence 1, séance 3 : La phrase - "La clarté ou l'art de la maxime"

Objectif : Identifier une proposition et analyser les liens entre les propositions.

Analyse d'un corpus

  1. Les contes sont pour les enfants.
  2. Mangez !
  3. La curiosité est un vilain défaut.
  4. Il ne faut pas écouter ce que disent les contes.
  5. Il est monstrueux mais il est gentil.
  6. Quelle belle fin…
  7. Elle s’enfuit pour qu’il ne la retrouve pas.
  8. Elle prit la clé, la mit dans sa poche.
  9. Elle regardait du haut de la tour et elle ne voyait rien venir.
  10. Quelle morale étrange…
  11. Un conte doit avoir une morale claire.
  12. L’utopie décrit une société idéale qui n’existe pas à l’époque de son auteur mais qui pourrait devenir une réalité.
  13. Comme tu es crédule !
  14. Les contes de fées ne finissent pas toujours bien ; les enfants peuvent en être déçus.
  15. Abracadabra !
  16. Tous pour un, un pour tous

Réinvestissement : les maximes

Distinguer les phrases simples des phrases complexes. Pour les phrases complexes, souligner les verbes, entourer l'élément qui relie les propositions entre elles et indiquer le mode de liaison.

  1. L’amour-propre est le plus grand de tous les flatteurs.
  2. Lorsque les grands hommes se laissent abattre par la longueur de leurs infortunes, ils font voir qu’ils ne les soutenaient que par la force de leur ambition, et non par celle de leur âme, et qu’à une grande vanité près les héros sont faits comme les autres hommes.
  3. L’orgueil est égal dans tous les hommes, et il n’y a de différence qu’aux moyens et à la manière de mettre le jour.
  4. Il est du véritable amour comme de l’apparition des esprits : tout le monde en parle, mais peu de gens l’ont vu.
  5. On aime mieux dire du mal de soi-même que de n’en parler point.
  6. Il y a des reproches qui louent, et des louanges qui médisent.
  7. Les vertus se perdent dans l’intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer.
  8. On ne loue d’ordinaire que pour être loué.
  9. Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit.
  10. La jeunesse est une ivresse continuelle ; c’est la fièvre de la raison.

Écrit d'appropriation : écrire des maximes en lien avec le monde contemporain

  • Maxime 1 : une phrase simple
  • Maxime 2 : une phrase complexe / mode liaison = subordination.
  • Maxime 3 : une phrase complexe / mode de liaison = juxtaposition
  • Maxime 4 : une phrase simple
  • Maxime 5 : une phrase complexe / mode de liaison = coordination

Séquence 2, séance 6 : La circonstancielle au service du conteur

Analyse du corpus

  1. Il faudrait que je lise le livre de La Fontaine.
  2. Quand tu lis, tu ne vois pas le temps passer.
  3. Dès que j’aurai fini mon exercice, je sortirai.
  4. Il lit un livre qui lui parait bien ennuyeux.
  5. Je pense que je vais bientôt avoir fini.
  6. Puisque tu as fini de lire, tu peux sortir.
  7. Il lit dans sa chambre.
  8. En raison des examens, il n’y pas cours.
  9. Comme les examens commencent, il n’y a pas cours.
  10. Le lieu auquel je pense n’est pas très éloigné.
  11. Une fois arrivé au hameau, tu verras la route à prendre.
  12. Nous nous reverrons samedi pour que notre exposé soit parfaitement au point.
  13. Il se demande comment s’en sortir.
  14. J’ai prévu plusieurs itinéraires afin que vous puissiez choisir.
  15. Ils sont revenus sous la pluie.
  16. Il est tellement fort qu’il s’en sortira toujours.
  17. Le livre qu’il a lu est intéressant.

Le bilan consiste en la reprise des différentes propositions subordonnées.

La proposition subordonnée circonstancielle au service du conteur

Corpus tiré de La Fontaine : identifier les propositions subordonnées circonstancielles

  1. Quand ils sont près du bon moment, / L’inconstante aussitôt à leurs désirs échappe. (VII, 12)
  2. Sur tous ses compagnons Atropos et Neptune / Recueillirent leurs droits, tandis que la Fortune / Prenait soin d’amener son marchand à bon port. (VII, 14)
  3. Je la conduirai si bien /Qu’on ne se plaindra de rien. (VII, 17)
  4. Mais tous deux sont mauvais alors qu’ils sont outrés. (VIII, 10)
  5. Quand on eut des palais de ces filles du ciel / Enlevé l’ambroisie en leurs chambres enclose, / Ou pour dire en français la chose, / Après que les ruches sans miel / N’eurent plus que la cire, on fit mainte bougie ; Maint cierge aussi fut façonné. (IX, 12)
  6. Mais lorsque le long âge eut glacé le pauvre animal, / La même cuisine alla mal (X, 3)
  7. Quand le moment viendra d’aller trouver les morts, / J’aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords. (XI, 4)

Bilan sur l'intérêt des propositions subordonnées circonstancielles : art du conteur réside dans les détails (symb ou contextualisant) d’où usage, entre autres, des PSC (surtout de temps = marque les tps de la narration, évolution du récit). Elles contribuent à l’enrichissement du récit.

Écrit d'appropriation

Écrire une fable actualisée (prose ou vers) environ 15/20 lignes.

U tiliser au moins trois propositions subordonnées circonstancielles (à souligner en vert et identifier) et trois GN (P) compléments circonstanciels (à souligner en rouge et à identifier).

Le Mariage de Figaro de Beaumarchais (séquence 3) et le parcours associé "La comédie du valet" (séquence 4)

Objectif : Méthode / oral "Moments de langue"

DOM JUAN. - Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit.

SGANARELLE. - La belle croyance, que voilà ! Votre religion, à ce que je vois, est donc l’arithmétique ? Il faut avouer qu’il se met d’étranges folies dans la tête des hommes, et que pour avoir bien étudié, on en est bien moins sage le plus souvent. Pour moi, Monsieur, je n’ai point étudié comme vous, Dieu merci, et personne ne saurait se vanter de m’avoir jamais rien appris ; mais avec mon petit sens, mon petit jugement, je vois les choses mieux que tous les livres, et je comprends fort bien que ce monde que nous voyons, n’est pas un champignon qui soit venu tout seul en une nuit. Je voudrais bien vous demander qui a fait ces arbres-là, ces rochers, cette terre, et ce ciel que voilà là-haut, et si tout cela s’est bâti de lui-même ? Vous voilà vous, par exemple, vous êtes là ; est-ce que vous vous êtes fait tout seul, et n’a-t-il pas fallu que votre père ait engrossé votre mère pour vous faire ? Pouvez-vous voir toutes les inventions dont la machine de l’homme est composée, sans admirer de quelle façon cela est agencé l’un dans l’autre, ces nerfs, ces os, ces veines, ces artères, ces... ce poumon, ce cœur, ce foie, et tous ces autres ingrédients qui sont là et qui... Oh dame, interrompez-moi donc si vous voulez, je ne saurais disputer si l’on ne m’interrompt, vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice.

DOMJUAN.- J’attends que ton raisonnement soit fini.

Séquence 3, séance 4 : Moment de langue

Sujet

  1. Lire le sujet

« Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit. ». Faites toutes les remarques que vous jugez nécessaires sur cette phrase.

2. Réaliser le sujet en binôme

Méthode et notation

  1. Il s’agit d’une phrase complexe (+ 0,25) composée de 3 propositions qui sont (+0,25).
  2. On trouve une proposition principale (+ 0,25) et 2 propositions subordonnées conjonctives (0,5) qui sont COD du verbe croire (0,25).Elles sont coordonnées grâce à la conjonction de coordination. (0,25)
  3. Cette phrase complexe est une phrase déclarative, elle permet à Dom Juan d’afficher sa confiance dans la science et non dans la religion. (0,25)

Évaluation : moment de langue

SUJET :

Faites toutes les remarques que vous jugez nécessaires sur cette phrase.

« (…) je comprends fort bien que ce monde (que nous voyons), n’est pas un champignon (qui soit venu tout seul en une nuit) »

Séquence 4, séance 2 : La négation

FIGARO, seul, se promenant dans l’obscurité, dit du ton le plus sombre.

Ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante !… nul animal créé ne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ?… Après m’avoir obstinément refusé quand je l’en pressais devant sa maîtresse ; à l’instant qu’elle me donne sa parole ; au milieu même de la cérémonie… Il riait en lisant, le perfide ! et moi, comme un benêt… Non, monsieur le comte, vous ne l’aurez pas… vous ne l’aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !… noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu, perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter !… On vient… c’est elle… ce n’est personne. — La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu’à moitié ! (Il s’assied sur un banc.) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ! Fils de je ne sais pas qui ; volé par des bandits ; élevé dans leurs mœurs, je m’en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J’apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie ; et tout le crédit d’un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! — Las d’attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre : me fussé-je mis une pierre au cou ! Je broche une comédie dans les mœurs du sérail : auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l’instant un envoyé… de je ne sais où se plaint que j’offense dans mes vers la Sublime Porte, la Perse, une partie de la presqu’île de l’Inde, toute l’Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d’Alger et de Maroc ; et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l’omoplate, en nous disant : Chiens de chrétiens!

Observation : analyse du corpus (tiré du texte ci-dessus)

  1. « Nul animal créé ne peut manquer à son instinct : (…) »
  2. « Après m’avoir obstinément refusé quand je l’en pressais devant sa maîtresse (…) »
  3. « Non, monsieur le comte, vous ne l’aurez pas… vous ne l’aurez pas »
  4. « ce n’est personne. »
  5. « me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu’à moitié ! »
  6. « Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ! »
  7. « Fils de je ne sais pas qui »
  8. « auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule (…)
  9. « à l’instant un envoyé… de je ne sais où se plaint que j’offense dans mes vers la Sublime Porte (…) »
  10. « je m’en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! »

Réinvestissement

Exercices de manipulation

Exercice 1 : Trouvez les antonymes des mots suivants : riche, rapide, altruiste, légèreté, gentillesse, bonheur, beau.

Exercice 2 : Proposez un ou plusieurs antonymes des mots suivants en utilisant des préfixes : orienter, joindre, tromper, connaître, mobile, conformiste, légitime, réel, utopie.

Écrit d'appropriation : maîtriser les négations totale et partielle

Ecrivez pour chaque phrase deux versions de phrase négative. Dans la première, la négation sera totale dans la deuxième, elle sera partielle.

  • Avez-vous quelque chose à nous dire ?
  • Tout est en ordre dans mes papiers.
  • Vous pourrez toujours relire cet ouvrage.
  • Je connais quelqu’un qui collectionne les ouvrages reliés anciens.
Lecture et interprétation
  1. Soulignez le lexique négatif qui montre le jugement d’Alceste sur les hommes.
  2. Soulignez les tournures grammaticales exprimant la négation.
  3. Que révèle cette accumulation de négation du personnage d’Alceste ?

ALCESTE

Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode

Qu’affectent la plupart de vos gens à la mode ;

Et je ne hais rien tant, que les contorsions

De tous ces grands faiseurs de protestations,

Ces affables donneurs d’embrassades frivoles,

Ces obligeants diseurs d’inutiles paroles,

Qui de civilités, avec tous, font combat,

Et traitent du même air, l’honnête homme, et le fat.

Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,

Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,

Et vous fasse de vous, un éloge éclatant,

Lorsque au premier faquin, il court en faire autant ?

Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située,

Qui veuille d’une estime, ainsi, prostituée ;

Et la plus glorieuse a des régals peu chers,

Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers :

Sur quelque préférence, une estime se fonde,

Et c’est n’estimer rien, qu’estimer tout le monde.

Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,

Morbleu, vous n’êtes pas pour être de mes gens ;

Je refuse d’un cœur la vaste complaisance,

Qui ne fait de mérite aucune différence :

Je veux qu’on me distingue, et pour le trancher net,

L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait.

Focus sur la manipulation

« Il est nécessaire que l'élève voie bien ce qui est attendu de lui, quel type de manipulation est demandé et qu'il sache quoi faire, sinon il se sentira perdu. L'idée est donc d'essayer de proposer une façon d'organiser sa réponse (valable à l'écrit pour les entrainements durant l'année et à l'oral pour l'épreuve orale), une carte mentale peut être une solution pour aller vite et avoir une représentation globale de la réponse.

Quelque soit le type d’exercice, il s'agit aussi d'avoir une pratique régulière de ce type d'exercice afin que cela devienne une habitude pour les élèves. Cela peut prendre quinze minutes (au maximum) à l’issue d’une explication de texte. »

Bilan de l'expérimentation

Laetitia Agut constate que le plus difficile pour les élèves c’est de retrouver une forme de rigueur : classer, analyser, respecter une logique. Néanmoins, elle constate des progrès qui viennent liés à une pratique régulière. Ce que confirme Céline Saluzzo : « Maintenant que l'habitude est prise de leçons de grammaire ou de temps de grammaire (évalués ou non), cela paraît déjà rentré dans les rituels des élèves. »