A partir d'un extrait du poème en prose "Un hémisphère dans une chevelure", les élèves créent un bot littéraire (@botdelaire) qui s'appuie sur l'analyse des fonctions grammaticales et sur l'observation des caractéristiques de l'écriture baudelairienne. Ce projet articule lecture, écriture, grammaire et travail sur le lexique.

Une ressource proposée par Annaïg Borne, professeure au collège Salvador Allende (Bourgoin-Jallieu, 38)

Objectifs

  • Connaître, identifier et manipuler les principaux constituants d'une phrase simple ou complexe : sujet, compléments d'objet direct et indirect, compléments circonstanciels.
  • Faire des propositions grammaticales qui prennent en compte la dimension poétique et métaphorique du texte original.

Compétences travaillées

  • Analyser le fonctionnement de la phrase simple et de la phrase complexe ;
  • Construire les notions permettant l'analyse et l'élaboration des textes et des discours ;
  • Travailler en groupe.

Outils et modalités de travail

  • 2 classes de 4e (collège REP).
  • Travail en groupe de trois à quatre élèves

Toute l'année.

En classe.

  • Tableur collaboratif "framacalc" ;
  • Tracery pour la visualisation du bot et la création du code ; 
  • Cheap bots done quick pour la mise en ligne du bot littéraire ;
  • Compte twitter créé pour le bot littéraire (@botdelaire) ;
  • Ipad prêté à chaque élève par le conseil départemental de l'Isère.

Démarche pédagogique

La création de ce bot littéraire a eu lieu après un travail sur les fonctions sujet, compléments d'objet direct et indirect et complément circonstanciel, et s'inscrit dans une séquence consacrée à la poésie (questionnement obligatoire "Dire l'amour").

Plusieurs poèmes ont été lus en classe, et la séquence se termine avec la lecture du poème en prose de Baudelaire "Un hémisphère dans une chevelure". La lecture de ce texte risque de susciter la surprise des élèves qui sont habitués à la poésie en vers. Un des axes de la lecture du texte va donc être de travailler sur l'écriture poétique de Baudelaire, en s'appuyant sur la dimension sensuelle et métaphorique du poème.

La création du bot littéraire, en invitant les élèves à écrire comme Baudelaire et en utilisant leurs connaissances grammaticales, s'inscrit dans cette problématique et repose sur une alternance entre lecture et écriture.

1re étape : Lecture en classe du poème (1h30)

Le texte a été lu en classe avec les élèves, dans le cadre d'un premier travail d'interprétation. Le recueil des premières impressions de lecture des élèves a permis de mettre en évidence la question du genre du texte évoquée ci-dessus et les images créées par Baudelaire, notamment autour du voyage.

A la suite de la lecture des textes, le professeur explique aux élèves qu'ils vont créer un bot littéraire à la manière de Baudelaire, ce qui exige de s'approprier l'écriture de l'auteur. On met alors en évidence l'importance des métaphores pour parler de la chevelure.

Les élèves ont pour consigne, à la maison, de relever les compléments d'objet directs et indirects et les compléments circonstanciels dans l'ensemble du texte.

2e étape : Analyse de la phrase source et création d'une première version du bot avec des exemples tirés du texte (1/2h)

La phrase du texte retenue pour la création du bot littéraire est la suivante :

"(...) dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l'infini de l'azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m'enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco."

La phrase est analysée avec les élèves, à partir du travail fait à la maison, pour mettre en évidence la fonction des différents groupes de mots. On explique aux élèves qu'on ne changera pas le verbe de chaque proposition et son sujet. On arrive ainsi à ce schéma :

#CC1#, je vois #COD#, #CC2#, je m'enivre #COI#.

Ensuite, pour faire comprendre aux élèves les principes et le fonctionnement du bot littéraire, on choisit dans les autres compléments trouvés par les élèves ceux qui pourraient correspondre à chaque variable. Ils sont ajoutés dans Tracery. Cela permet aux élèves de comprendre l'importance de ne pas faire seulement attention à la fonction du constituant mais aussi à son sens, à la logique du texte. Ainsi, le COD "tout mon visage" qui apparaît dans la première phrase du poème n'a pas la même structure que le groupe de mots initial et donc s'intègre difficilement dans la structure à compléter : "dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir tout mon visage". La phrase est correcte grammaticalement mais n'évoque pas le voyage et le dépaysement que l'on trouve dans la phrase de Baudelaire. 

Le choix est fait en classe de conserver la structure de chaque complément circonstanciel : "dans ... de ta chevelure" pour le CC1, "sur ... de ta chevelure" pour le CC2.

3e étape : Création de compléments en groupe, mise en commun, amélioration des propositions (3h)

Les élèves, en groupe, doivent faire au moins cinq propositions par variable. Cela permet de rappeler la différence entre COD et COI. Les élèves ont tendance à oublier la phrase source et le verbe qui régit chaque complément, ce qui fait qu'ils ont tendance à proposer des compléments d'objet direct à la place de compléments d'objet indirect. Dans ce cas, le professeur a recours à Tracery pour montrer que la phrase devient incorrecte, et rappelle donc l'importance de la préposition qui se trouve au début du complément d'objet indirect.

La création des compléments circonstanciels ne pose pas de problèmes d'ordre syntaxique mais plutôt littéraire : les élèves ont beaucoup de mal à créer des métaphores qui s'éloignent du champ lexical de la chevelure tout en restant poétiques. On propose alors un travail de vocabulaire à partir des compléments circonstanciels présents dans le poème de Baudelaire : les élèves sont invités à trouver des mots synonymes ou appartenant au même champ lexical que "océan", "caresse", "foyer", "nuit", "rivages"...

Les différentes propositions sont mises en commun dans un tableur et lues en classe. Il ressort de ce travail que les propositions pour les compléments d'objet manquent de richesse : les élèves proposent surtout des groupes nominaux, sans compléments ou sans verbe à l'infinitif. L'analyse précise de la phrase source permet de mettre en avant la structure de chaque complément d'objet et d'arriver à l'élaboration de "modèles" de complément d'objet :

  • verbe à l'infinitif + GN + CDN ou GN + CDN + verbe à l'infinitif ou GN + CDN ou GN + PSR pour les COD ;
  • préposition + GN + GN + GN (énumération) ou préposition + GN + CDN ou préposition + GN + PSR pour les COI.

Des propositions sont retravaillées avec les élèves en s'appuyant sur ces modèles. "Je vois le soleil" devient ainsi "je vois rayonner le soleil sur l'azur tropical" (on remarque d'ailleurs ici la réutilisation du complément circonstanciel présent dans le texte de Baudelaire), "je m'enivre de ton parfum" devient "je m'enivre des arômes de ton plus beau parfum".

Les élèves retravaillent en groupe trois propositions de leur choix pour chaque variable (ils ne sont pas obligés de retravailler leurs propres propositions), on procède alors à une nouvelle mise en commun pour une dernière validation.

4e étape : Mise en ligne du bot littéraire

Les élèves sont invités à faire des propositions pour le nom du bot littéraire et votent pour "botdelaire".

La mise en ligne est réalisée par le professeur, qui, une fois qu'il y a eu plusieurs publications, fait des captures d'écran pour les montrer aux élèves.

Bilan de l'expérimentation

La création du bot littéraire a permis de mobiliser de nombreuses compétences et connaissances, toutes nécessaires pour créer un bot littéraire qui soit le plus proche possible de l'écriture de Baudelaire. Les élèves ont dû faire appel à leurs connaissances concernant les fonctions, ce qui était l'objectif principal, mais aussi à leurs capacités à analyser la nature des mots ou groupes de mots, à mobiliser ou découvrir un lexique riche et varié. Ils ont aussi dû travailler en groupe et être capables de revenir sur leur travail ou celui de leurs camarades pour l'améliorer.

Les élèves ont parfois eu tendance à oublier l'objectif final, ce qui explique que leurs propositions n'aient pas toujours été en cohérence avec les variables données. La possibilité de créer une sorte de simulation du bot sur Tracery a servi d'aide-mémoire à plusieurs reprises et leur a permis de mieux comprendre les attentes de l'enseignant.