Jacques Bazin, professeur au collège d'Ugine (73), présente une activité d'écriture collaborative d'un module interactif de préparation à un exercice de dictée par un groupe d'élèves de sixième en remédiation. 

Une ressource proposée par Jacques Bazin

Objectifs

  • Concevoir en groupe un ensemble d'activités pour aider les autres élèves de la classe à préparer la dictée de la séquence suivante sur Les Métamorphoses.
  • Gérer l'hétérogénéité du groupe.
  • Redonner le goût pour un travail collectif de longue haleine, mettre les élèves en situation de réussite vis-à-vis du reste de la classe et de l'exercice de dictée lui-même.

Contexte

Le travail s'adresse à un groupe d'élèves de 6e à effectif variable (entre 5 et 8) en remédiation, une heure par semaine.
De nombreuses absences, des difficultés scolaires très importantes, variables de l'un à l'autre (fortes dyslexies, difficultés de mémorisation ou de concentration, image de soi nettement dégradée). Dans l'ensemble, il s'agit d'élèves qui, en sixième, sont déjà très sensiblement démotivés.

Démarche pédagogique

Travail sur cinq séances, soit plus d'un mois, à partir du texte « La métamorphose d'Arachné » fourni par l'enseignante en charge de la classe.Les activités sont menées en salle informatique, mais les ordinateurs ne sont utilisés qu'en fonction des besoins. Les élèves ont à disposition permanente un Petit Robert Informatisé sur l'ordinateur de l'enseignant, des fiches d'orthographe, différents manuels et usuels.

Tour à tour, on a mené à bien les tâches suivantes, tantôt par petits groupes, tantôt individuellement, ou tous ensemble : Découverte du texte distribué aux élèves, et première discussion collective sur son sens littéral. Observation d'un certain nombre de graphies.

Dictée par l'enseignant, autocorrection, puis élaboration collective, sur un unique document vidéoprojeté, du « corrigé commenté ».

Enregistrement sonore du texte de la dictée et mise en ligne du premier document pour la classe.

Conception collective d'exercices à trous, puis d'exercices sur la compréhension globale du texte, dont les difficultés orthographiques sont liées à une grande sophistication des tournures syntaxiques.

Réalisation d'une activité de mots-croisés, pour le plaisir et la manipulation de dictionnaires de langue. (Ces élèves maîtrisent mal la recherche alphabétique et éprouvent de grandes difficultés à saisir le sens contextuel d'un mot à partir de sa définition : deux mots sont donc attribués à chacun. Le premier est analysé collectivement à partir de la projection de l'article du PR informatisé, la définition sommaire pour les mots croisés est ensuite arrêtée par le groupe. Le second mot est travaillé individuellement à partir d'un usuel papier). Pour réactiver la mémoire, on passe le premier quart d'heure de chaque séance à réaliser les exercices conçus la fois précédente.

Utilisation du numérique

Ressources TICE utilisées

  • Un site collaboratif pour la publication (en l'occurrence, il s'agit de SPIP, mais n'importe quel ENT ou site d'établissement peut faire l'affaire).
  • Un logiciel de traitement de textes pour la rédaction des commentaires orthographiques sur la dictée.
  • Deux logiciels (gratuits) de conception d'exercices interactifs : Hot Potatoes et Exelearning, tous deux extrêmement simples à manipuler (il suffit de quelques pour minutes pour en faire comprendre les principes aux élèves).
  • Le Petit Robert Informatisé.
  • Une salle informatique ou un unique ordinateur portable relié à un vidéoprojecteur.

Plus-value apportée par les TICE

  • Pérénnité et propreté des activités réalisées ensemble : quand des élèves de sixième peinent à assurer la bonne tenue de leur classeur, oublient leurs affaires, produisent des écrits parfois à la limite du déchiffrable, il peut être utile de les installer dans un projet de publication à la fois exigeant, durable (5 semaines), court (5 heures) et rythmé (un document à mettre en ligne par séance). Cette périodicité contraint le groupe à une certaine efficacité. L'outil informatique permet de concevoir des documents présentables rapidement, et leur publication permet un accès constant à ce qui a été fait.
  • Mise en œuvre d'un projet collaboratif : la publication sur internet ou le réseau de l'établissement donne du sens au désir de travailler ensemble. Les formulations doivent être irréprochables, dans le fond comme sur la forme. Lors de l'enregistrement de la dictée à plusieurs voix, on a dû faire preuve d'exigence dans l'énonciation et dans l'écoute.
  • Revalorisation de l'image de soi : quand la consommation d'exercices d'orthographe en ligne ou sur CD-ROM peut satisfaire ou distraire un moment les élèves, leur conception, elle, apporte un intérêt autrement plus durable, ne serait-ce que parce qu'elle s'appuie sur un défi collectif et qu'elle répond à un projet dont l'utilité n'est pas discutable.

Bilan de l'expérimentation

S'il est souvent difficile de mesurer sur une courte période les progrès réels des élèves en situation de production d'écrits, il est toujours possible, en revanche, d'évaluer ce qui ne fonctionne pas dans les scénarios pédagogiques et les démarches qu'on leur propose. Les premières séances menées dans l'année avec ce groupe consistaient à reprendre, très classiquement, des activités de lecture ou de langue faites par ailleurs en classe. Les élèves participaient plus ou moins de bon cœur, mais les quelques acquis se révélaient extrêmement volatils.

Ma démarche, spécifique à ce groupe de remédiation, repose donc sur deux a priori simples :

  • Aider un groupe d'élèves parfois stigmatisés à s'approprier un projet qui n'appartient qu'à eux, qui ne vient pas alourdir leur semaine, qui reste à la fois utile, efficace, et agréable, et dont la qualité finale les surprendra.
  • Les mettre en situation de transmettre aux « bons élèves » de la classe ce qu'eux-mêmes, a priori, ne maîtrisent pas. Outre la redécouverte de la satisfaction liée à l'effort et à l'exigence, cela impose un retour métacognitif précieux (par exemple : quelles questions vais-je devoir poser aux autres élèves pour les aider à comprendre un texte dont moi-même, je n'ai qu'une vue approximative ?).

Au final, je ne peux pas statuer fermement sur les compétences acquises au terme de cette petite activité : l’image négative que ces élèves ont de leurs propres compétences est en effet très solidement ancrée. Sur le long terme cependant, si le fait d'avoir été en situation de réussite joyeuse sur un projet d'excellence à visée linguistique s'est inscrit dans les mémoires, alors ce souvenir creusera son sillon. C'est du moins le pari qu'il convient de faire.