Comment s'informer et se forger une opinion dans un débat d'enjeu national en utilisant seulement Internet ? Dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, de nombreuses « publications » sont disponibles sur internet et notamment sur le site http://www.transition-‐energetique.gouv.fr . Bien sûr, chaque citoyen pouvant déposer sa contribution, il faut être capable d’analyser et de traiter ces informations et d’autres afin de se forger sa propre opinion.
Une ressource proposée par Olivier Santos dans le cadre des "Heures numériques" 2014
Compétences et objectifs
- Distinguer information, commentaire et prise de position.
- S'interroger sur le contexte didactique de production d'une information, identifier les sources.
- Être capable d'organiser son travail en autonomie et faire des choix de présentation à l'aide de logiciels.
Contexte didactique et contraintes matérielles
Avoir accès à la salle informatique sur quatre heures différentes (2h pour chaque groupe).
Tenir compte du régime de certains élèves : 19 élèves sur 26 sont internes et n’ont pas accès à internet à l’internat. Gérer l’alternance heures de groupe et heure classe entière (cette dernière venant s’intercaler).
Démarche pédagogique
La séance qui nous intéresse dans le cadre du projet "Heures numériques" (Séance2) est intégrée à une séquence plus importante consacrée à l’objet d’étude : la construction de l’information.
Séance 1 (classe entière) : La fabrication des informations (2h).
Un premier travail en groupe et en autonomie sur des dépêches, des brèves et des articles avec un tableau comparatif distribué par le professeur aux élèves à remplir (en se référant notamment au site www.lesdepeches.fr) permet d’aborder les différents traitements de l’information et la rédaction de celle-‐ci.
Un deuxième travail en commun plus approfondi, centré sur deux articles tirés de la presse écrite traitant de la même information : un simple fait divers. Les élèves font un travail d’analyse sur les deux articles et constatent que l’un consiste en un traitement « simple » du fait divers avec peu ou pas de commentaires ; tandis que l’autre l’utilise de façon beaucoup plus « sensationnel » avec de nombreux commentaires du journaliste visant clairement à exagérer les faits. Les élèves apprennent donc à distinguer les faits bruts des commentaires afin de commencer à répondre à la problématique de la séquence : les médias d’information disent-‐ils la vérité ?
Séance 2 (Groupes en salle informatique) : Peut-‐on s’informer en utilisant seulement internet ? (3h)
La séance se déroule dans un premier temps en autonomie. Les élèves, par groupe de deux, débutent par un travail de recherches après une présentation du thème à l’aide de deux vidéos sur le site http://www.transition-‐ energetique.gouv.fr. Ils doivent à l’aide d’internet et seulement d’internet (afin de réfléchir à tous les médias d’information ; la presse écrite et les journaux télévisés étant traités par ailleurs), essayer de compiler le maximum d’informations leur permettant d’appréhender la question sensible de la gestion du parc nucléaire français. Ce travail servira de base à notre réflexion sur internet. Tous les supports sont acceptés : vidéos, interviews, articles, podcasts, graphiques, sitographies...mais les élèves doivent toujours indiquer leurs sources (avec au minimum le site de provenance). Deux heures sont allouées aux recherches (avec la possibilité de les « enrichir » à la maison). Leur travail doit être fait sous format numérique (laissé à la libre appréciation des élèves après une courte présentation des possibilités les plus courantes : document texte, diaporama, compilation de notes).
Ensuite, une heure est consacrée à l’élaboration d’une grille d’analyse collective (voir annexe). Les élèves ont fait remonter dans chaque groupe (brainstorming) cinq points essentiels pour eux au travers de cinq questions à se poser face à une information. Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Quand ? Nous avons pris l’exemple de deux sites (pris au hasard dans ceux que les élèves avaient cités) et essayé de les soumettre à ces questions à l’oral pour que chaque élève comprenne bien le fonctionnement de notre grille.
La dernière étape (devoir maison) consistait en une reprise individuelle de leur premier travail de recherche à l’aide de la grille. Ce « deuxième jet » a fait l’objet d’une évaluation sur 10 (tri/organisation /4, rapport au sujet/qualité /3, présentation générale/soin (utilisation de logiciels...) /3...).
Séance 3 (classe entière) : étude intégrale de la nouvelle « Le salaire du sniper » de Didier DAENINCKX. (4h)
En parallèle des heures de groupe dédiées au projet, nous avons étudié cette nouvelle dans laquelle, un photographe de presse fait délibérément assassiner un adolescent pour augmenter la valeur émotionnelle – donc l’audience – du reportage qu’il est en train de réaliser. Avec ce crime, on est très loin de la recherche d’une réalité à transmettre de la façon la plus vraie possible.
Cette nouvelle évoque également la façon cavalière dont travaillent certains journalistes, qualifiés de « cow-‐boys », la falsification du lieu d’un attentat effectuée par un autre photographe, les conditions de fabrication des photographies de guerre et nous montre donc des médias qui fabriquent et mettent en scène l’information pour servir leurs propres fins, répondant ainsi elle-‐aussi à la problématique de la séquence : les médias disent-‐ils la vérité ?
Bilan de l'expérimentation
L’objectif principal a été atteint. En effet, les élèves ont réussi à construire une grille d’analyse et à s’en servir correctement (avec un indice de fiabilité allant de une à cinq étoiles reprenant les cinq questions : Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Quand ?), et ont dorénavant pour la plupart le réflexe de s’interroger sur les sources des informations qu’ils rencontrent. Cependant, certaines difficultés importantes ont émergé de ce travail.
Tout d’abord, les élèves ont véritablement eu du mal à gérer l’autonomie et la liberté qui leur étaient volontairement données. Je suis donc intervenu régulièrement pour recadrer leurs démarches car certains lançaient des recherches trop vagues ou se perdaient très rapidement en voulant systématiquement faire des « copier-‐ coller » sans s’interroger sur l’intérêt des documents. D’autres restaient bloqués parce qu’ils ne comprenaient pas véritablement ce qui leur était demandé. Il a donc fallu que je relise avec eux la consigne et que je reformule celle-‐ci à l’oral en réexpliquant aux élèves que je n’attendais pas une réponse ou un exposé traitant de ma question, mais un travail de recherche et de sélection des sources comme s’ils étaient des journalistes qui avaient besoin de se documenter avant d’écrire un article. D’ailleurs, si je devais reconduire une expérience de ce type, j’essaierais plutôt de faire ce travail en les mettant dans la peau d’un journaliste et en insistant dans la rédaction de mes consignes sur ce point, cela permettant de rendre leur tâche plus concrète peut être.
L’autre point d’achoppement important a été la mise en forme des « notes ». Les élèves se sont très vite tournés par facilité vers des logiciels (word pour la plupart et powerpoint pour quelques-‐uns) qu’ils maitrisaient, ou plus précisément qu’ils avaient l’habitude d’utiliser, sans même essayer de s’en approprier d’autres que je leur avais présenté et pourtant bien plus efficaces (evernote...) pour ce type de travail. Ils ont presque tous remis leurs
« notes » sous forme d’exposé avec une partie présentation de l’énergie nucléaire, une autre pour les aspects positifs et une dernière concernant les aspects négatifs alors que ce n’était pas ce que je demandais. Ici, apparait clairement le poids des habitudes de travail acquises pendant leur cursus scolaire et le besoin que les élèves éprouvent de se rassurer en reprenant des méthodes déjà (partiellement) acquises. Force est de constater que l’efficacité n’a pas été au rendez-‐vous et ce serait aussi un point à améliorer en imposant un cadre strict aux élèves, même si cela se fait au détriment de leur autonomie. De même, j’aurais dû insister sur la diversité des informations que j’attendais en imposant peut être une vidéo, un graphique ou schéma...car pour la plupart, ils se sont cantonnés à des textes (ce qui réduit clairement l’intérêt d’internet !).
Enfin, un certain nombre d’entre eux n’a pas rendu le travail dans les temps, que ce soit pour les recherches comme pour le devoir final. Il a fallu recourir aux menaces, voire aux sanctions pour que les retardataires prennent la peine de finaliser leur travail, même si ceux-‐ci étaient en majorité des élèves qui au départ semblaient motivés par le sujet. Il est à noter cependant que cet écueil n’est pas directement en lien avec le travail demandé car j’avais déjà rencontré ce problème avec un autre devoir maison auparavant pour les mêmes élèves. Malheureusement, il faut bien avouer que nous avons que peu de prise face à ce problème, ces élèves ne s’inquiétant ni du « zéro » pour devoir non-‐rendu, ni d’autres sanctions (travail à faire en retenue...). Pour certains d’entre eux, la motivation pour les études, et en particulier le travail écrit, n’est clairement pas au rendez-‐vous.
Au final, l’expérience menée a été bénéfique aux élèves qui sont aujourd’hui, à n’en pas douter, beaucoup plus prudents face à ce qu’ils peuvent trouver sur internet, mais elle a été aussi et surtout un bon terrain d’expérimentation pour l’enseignant, le confrontant à des problèmes auxquels il n’est pas forcément soumis lors de séquences beaucoup plus traditionnelles et cadrées.