La CARDIE de Grenoble accompagne les porteurs de l'expérimentation de l'enseignement de l'éloquence qui le souhaitent. Dans cet entretien, l'équipe de La Cellule Académique Recherche Développement Innovation Expérimentation de l'Académie de Grenoble pilotée par Pascal Boyries, IA-IPR d'histoire-géographie, EMC, Nisa Fiogère et Nicolas Vossier, chargés de mission présente ses missions et plus particulièrement le travail en cours sur les indicateurs élèves, enseignants et établissements susceptibles de mieux accompagner les équipes et les élèves engagés dans l'expérimentation.

Entretien avec Pascal Boyries, IA-IPR d'histoire-géographie, EMC et pilote CARDIE, accompagné de Nisa Fiogère et Nicolas Vossier, chargés de mission CARDIE.

En tant que CARDIE, quelles sont vos missions dans l'accompagnement des établissements engagés dans le dispositif "enseignement de l'éloquence" ?

La CARDIE (Cellule Académique Recherche-Développement, Innovation et Expérimentation) a plusieurs missions :

  • Impulser une dynamique de recherche, d’expérimentation et d’innovation dans l’académie,
  • Accompagner les équipes qui se sont engagées dans des expérimentations, c’est-à-dire de nouvelles pratiques susceptibles de permettre une meilleure réussite des élèves. Cet accompagnement se fait à travers des échanges entre les référents départementaux et académiques de la CARDIE, des visites, et la fourniture d’outils par la CARDIE comme les indicateurs, ou la co-organisation de séminaire.
  • Diffuser les innovations et mettre en réseau les établissements en expérimentation.

Sur certains sujets, des équipes de terrain peuvent également être mises en lien avec des équipes de recherches dans le cadre de recherches collaboratives visant à améliorer les apprentissages des élèves. Cet accompagnement se fait en relation étroite avec la FTLV, les corps d’inspection, la DANE.

En ce qui concerne l’éloquence, des expérimentations de son enseignement sont mises en place dans des établissements de l’Académie, en lien avec l’expérimentation nationale qui concerne les classes de troisième. Cette expérimentation vise à travailler l'expression orale continue et l'échange argumenté (débat, plaidoyer...) ainsi que la mise en voix, en geste et en espace de textes littéraires (de la lecture à voix haute à la lecture jouée et au jeu théâtral). Le volume horaire global consacré à cet enseignement équivaut à une demi-heure hebdomadaire (soit dix-huit heures en tout). Cette demi- heure s'ajoute aux quatre heures hebdomadaires de français déjà inscrites à l'emploi du temps des élèves, ce qui conduit à déroger au code l’Education et nécessite donc une demande de dérogation qui se fait auprès de la CARDIE.

Souvent les équipes se lancent dans une expérimentation sans prendre le temps d’expliciter leur démarche (c’est-à-dire la problématique professionnelle qui sous-tend leur expérimentation, l’hypothèse qu’elles testent, les objectifs qu’elles veulent atteindre, leur plan d’action et surtout les indicateurs à mesurer pour vérifier que ce qu’elles mettent en œuvre améliore bien les apprentissages). Ce travail est pourtant important puisqu’il aidera les équipes à analyser ce qu’elles font et à éventuellement réajuster ce qu’elles ont mené. Nous aidons à formaliser ce travail à travers les fiches « Expérim », comme la fiche « Expérim 2 ». Nous proposons également des accompagnements que nous co-construisons avec l’inspection pédagogique et la Formation Tout au Long de la Vie. Un séminaire sur l’expérimentation de l’éloquence sera prochainement proposé aux établissements.

Vous proposez aux équipes de construire des indicateurs élèves, enseignants et établissements. Que peuvent permettre ces indicateurs pour les enseignants ? A quoi servent-ils ?

Nous avons formalisé un tableau d’indicateurs. Il est le fruit d’un travail conjoint entre l’inspection pédagogique régionale de Lettres et la CARDIE. Comme pour les autres tableaux d’indicateurs que nous avons ou sommes en train de fabriquer, il s’appuie sur la typologie de l’UNESCO (indicateurs de contexte, de moyens, de processus, de résultats) et sur trois cibles : l’élève,  l’enseignant, l’établissement.

La typologie de l’Unesco est intéressante car elle permet de dépasser les simples résultats obtenus et invite à regarder aussi le contexte de l’établissement ou de la classe et à le suivre. Une évolution du contexte peut parfois expliquer une évolution des résultats à elle-seule. Observer les processus que l’on engage permet aussi de vérifier que l’on s’engage vraiment.

Nous proposons trois cibles. L’élève, bien entendu est la cible principale. Mais il nous semble aussi important de regarder les enseignants : le temps, l’investissement que cela leur demande par exemple. Si un projet est superbe, mais demande des dizaines d’heures complémentaires aux équipes, alors il n’est pas tenable dans le temps, ou il faut complètement repenser l'approche. Enfin, Il est important aussi de regarder à l’échelle de l’établissement pour mesurer les effets sur les équipes, le climat scolaire, les résultats globaux, etc.

Les indicateurs sont à prendre comme un outil au service des enseignants et des équipes et non comme une contrainte, encore moins comme une volonté de contrôle.

Lorsqu’un enseignant se lance dans une expérimentation, il prend des risques parce qu’il sort de sa zone de confort, s’engage dans un chemin plein d’incertains. Il y met de l’énergie, du temps, beaucoup de lui-même. Cet engagement est un investissement, il espère en sortir un certain nombre de bénéfices : au moins de la satisfaction, l’impression d’avoir un peu changé, avancé dans ses pratiques, d’avoir fait avancer ses élèves, de voir dans leurs yeux la satisfaction d’avoir progressé sur un champ qui leur donne des outils pour construire leur avenir. Mais, trop souvent, le seul retour qui est fait est un retour lié à cette satisfaction, elle a son importance, mais est-elle partagée ? Est-elle le seul apport que l’investissement important mis en œuvre a contribué à apporter ?

Les indicateurs sont là pour essayer d’objectiver un minimum les apports et de définir des champs sur lesquels on souhaite surveiller ses apports. Ces champs sont en lien avec les objectifs que l’on s’est donnés, donc les indicateurs choisis peuvent varier d’un établissement à l’autre, d’une équipe à l’autre si les objectifs choisis ne sont pas les mêmes. Une équipe qui entre dans l’éloquence pour stimuler la réussite chez les élèves en difficulté va choisir des indicateurs sur ces derniers, une autre équipe qui construit son projet autour de l’aisance de tous dans l’expression orale, va choisir d’autres indicateurs. Prendre le temps de choisir des indicateurs c’est donc déjà prendre le temps de vérifier si l’équipe est bien d’accord sur les objectifs définis. Ensuite, dans un deuxième temps, les indicateurs sont aussi formatants. Une fois choisi, l’équipe va tout mettre en œuvre pour le faire évoluer positivement, ce travail contribue donc à focaliser l’action. Mais cela peut aussi avoir des effets pervers : on cherche à faire bouger l’indicateur coûte que coûte par n’importe quel moyen (c’est le reproche qu’un nombre croissant d’économistes fait au PIB). Ce risque est réduit si les objectifs sont bien clairs.

Il faut également être au clair sur le fait que conduire une expérimentation sur l’éloquence n’est pas conduire un travail de recherche. Les indicateurs n’ont donc pas à avoir la même robustesse que dans un travail de recherche. Ils sont là pour donner une « indication » sur le contexte, les processus, les moyens mis en œuvre, et les résultats obtenus. Il ne s’agit donc pas de les multiplier, mais dans choisir quelques-uns : la fiche Expérim 2 de la CARDIE en propose six, mais il peut y en avoir moins. Par contre il est important de balayer les trois cibles et plusieurs des quatre types. Vous trouverez une proposition pour l’éloquence sur le site de la CARDIE.

Certains indicateurs peuvent être subjectifs, comme ceux demandant aux élèves de positionner leur motivation sur une échelle de 1 à 10 mais cette subjectivité va tout de même avoir des effets concrets sur leur engagement.

Grille d'indicateurs proposés par la CARDIE

Document