L’enjeu de l’oral est important en classe de Première : les élèves passent leurs épreuves anticipées de Français. Savoir s’exprimer à l’oral est une compétence scolaire certes, elle est aussi une compétence sociale. En effet, si la pratique de l’oral est inscrite au programme et contrôlée lors de l’entretien de l’épreuve anticipée orale (EAF), elle occupe une place essentielle dans la formation du citoyen, bien au delà de la préparation à l’examen. Nous enregistrons des productions orales, les élèves s’enregistrent. Pourquoi ? Enregistrer permet d’écouter, d’évaluer. S’enregistrer permet de s’écouter, de s’auto-évaluer, de réguler, de progresser. Nous publions aussi. Ainsi, le travail est partagé. De plus, il est destiné à un public et non plus uniquement à l’enseignant. La publication motive les productions orales.

Une ressource proposée par Hélène Savin

Compétences et objectifs

  • S'exprimer à l'oral.
  • Extraire des informations.
  • Faire preuve d'initiative et d'autonomie.

Compétences numériques

  • Utiliser le numérique de façon responsable.

Les activités

Différentes étapes – progressives - sont mises en place avant de réaliser la tâche complexe. Nous ne souhaitons pas travailler l’oral uniquement pour préparer l’oral de l’EAF mais vraiment inscrire cette activité dans une dimension plus vaste ; c’est à dire pour une pratique de la langue à l’oral en tant que personne et pas uniquement en tant qu’élève. C’est pourquoi un projet de publication (webradio) constitue la production finale.

Des travaux de groupes sont prévus ainsi que des travaux individuels pour travailler l’interaction dans un groupe ainsi que la gestion de la parole seul(e).

Séance 1

Par groupe, les élèves débattent ensemble d’une question (La Princesse de Clèves a-t-elle eu raison de faire cet aveu à son mari ?)

Dans chaque groupe, un élève se porte volontaire et expose à la classe la réponse développée de son

groupe. Dès cette séance, un enregistrement est proposé - et le sera chaque fois - aux élèves volontaires. Nous utilisons le dictaphone de la tablette numérique. N’importe quel enregistreur numérique peut convenir, l’important c’est qu’il soit numérique afin de partager aisément les productions. Chaque élève enregistré récupère son enregistrement : envoi par courriel à son adresse personnelle.

Séance 2

Un autre projet (d’écriture et publication) est en cours. Nous profitons de cette opportunité pour organiser un comité de rédaction, où chaque groupe présente - et défend - son projet d’article. Nous souhaitons faire travailler une posture : oser se trouver physiquement face à la classe et oser mettre en avant des arguments pour convaincre. C’est cette barrière-là que nous faisons franchir à la classe. S’exprimer à l’oral, c’est oser prendre la parole face à quelqu’un ou face à un public. On ne procède à aucun enregistrement : aucun groupe ne l’a souhaité. Étant donné que nous proposons l’enregistrement et qu’en plus nous pensons qu’il n’est pas forcément pertinent ici - un enregistrement vidéo pour observer les postures l’aurait été par contre - nous n’insistons pas et entérinons ces choix d’élèves.

Séance 3

Les élèves sont toujours par groupe. Chaque groupe choisit un texte parmi les textes étudiés et travaille sur une mise en voix. Ils doivent se partager la lecture, définir des intentions de mise en voix (comique, polémique, grave …). Nous mettons à disposition une tablette numérique. Des élèves s’enregistrent, s’écoutent. Quelques uns demandent s’ils peuvent utiliser leur téléphone, nous leur précisons que cela sera possible plus tard, mais qu’avant cela il nous faut poser certaines règles et obtenir des autorisations. Nous pouvons dès lors aborder le numérique responsable : la production orale comme la production écrite est propriété d’un individu. Quand nous enregistrons cette personne dans le cadre d’une activité pédagogique, nous ne diffusons, nous ne publions qu’avec une autorisation. Nous gérons nous-même ces enregistrements afin de garantir la non-diffusion et la responsabilité numérique. Ensuite, quand nous aurons l’accord d’utiliser

les smartphones en classe (c’est une démarche que certains nomment à l’aide d’un acronyme, BYOD ), soit chacun pourra s’enregistrer sur son propre smartphone et gérer ainsi ses productions, soit nous utiliserons un matériel numérique prêté à la classe. Aucun prêt entre élèves ne sera autorisé, à la fois pour garantir la non-diffusion et prévenir le numérique irresponsable, mais aussi pour éviter tout risque de détérioration du matériel individuel par autrui.

Séance 4

Après s’être individuellement entraînés chez eux, les élèves confrontent leur préparation, partagent leurs lectures. Ils s’écoutent, s’évaluent, proposent, ajustent, régulent bref ils coopèrent pour faire, à partir de mises en voix juxtaposées, une seule mise en voix générale. La salle de classe doit être vaste et bien insonorisée. Sinon, il faut prévoir un lieu de répétition autre. L’enregistrement final est prévu lors de la séance suivante.

Séance 5

C’est le jour de l’enregistrement. Nous avions prévu d’installer le groupe qui enregistre dans une salle à coté de la nôtre afin de l’isoler d’un point de vue phonique. Nous avions remarqué une salle disponible, lors des cours précédents. Or, ce jour-là, la salle est occupée. Nous avions envisagé le couloir comme solution de repli. Nous tentons l’enregistrement dans le couloir, en partie calme … en partie seulement, car les enregistrements avec la tablette numérique – adaptée aux enregistrements multivoix - sont altérés par des bruits de fond. De plus, des absences obligent à décaler l’enregistrement pour trois des groupes. Le travail de mise en voix est réalisé. Les élèves comprennent tous en quoi s’enregistrer est formateur (écoute, auto- évaluation, régulation, progression). Cependant ces productions ne peuvent être publiées en l’état du fait de la nuisance sonore environnante. Nous analysons cela avec la classe et décidons de ne pas recommencer ces enregistrements, faute de temps, mais aussi parce les objectifs sont d’ores et déjà atteints.

Séances 6 et 7

Le bac blanc oral approche. Afin que chacun puisse mettre en voix les mots qu’il projette d’exprimer, nous faisons travailler à deux reprises les élèves par binôme et avec leur smartphone. Nous avons obtenu l’accord de notre chef d’établissement : les élèves qui souhaitent utiliser leur téléphone pour un usage pédagogique, défini et encadré, peuvent le faire … comme ils utilisent feuilles et crayons. Nous prêtons du matériel à ceux qui n’en possèdent pas ou ne souhaitent pas utiliser le leur (ce n’est le cas de personne dans cette classe). La règle d’or : ne s’enregistrer qu’avec son téléphone ou effacer après écoute l’enregistrement fait sur le téléphone d’un autre (numérique responsable) ; pas de conservation d’une manière ou d’une autre d’un enregistrement non personnel ; les smartphones sont en mode avion pour ne recevoir ni appels, ni SMS. L’usage de ces appareils ne se fait que sur un mode hors connexion, non coûteux par conséquent et qui se fonde uniquement sur le volontariat - celui qui ne souhaite pas utiliser son appareil ne l’utilise pas. Nous n’avons pas demandé d’autorisation d’usage aux responsables légaux mais simplement expliqué cette démarche pédagogique qu’est le Byod aux délégués parents, demandé aux élèves d’en parler à leurs parents, informé ces derniers lorsqu’ils étaient présents lors de la réunion parents- professeurs. Nous sommes restés sur ce point au stade de l’information. L’autorisation des responsables légaux est tacite, un écrit doit encore formaliser et garder la mémoire écrite de cette autorisation.

Le temps est clément pour les deux séances, nous descendons dans la cour où chaque binôme « s’isole ». Les élèves s’auto-évaluent, se co-évaluent dans le binôme, nous appellent pour nous montrer fièrement ce qu’ils ont réalisé ou pour nous poser une question précise et pertinente. Tous sont acteurs, acteurs de leurs apprentissages.

La séance 6 consiste à débloquer les premiers mots. Que voulons-nous dire par là? Les élèves ont parfois écrit leur introduction c’est-à-dire le début de leur exposé, l’ont répété mentalement, l’ont imaginé mais jamais ne l’ont exprimé à voix haute. Ce sont ces premiers mots qu’ils vont dire et s’entendre dire.

Lors de séance 7, après un temps de préparation individuelle, les élèves exposent le plan de la lecture analytique qu’ils ont travaillé. Cette fois ce ne sont pas les premiers mots, mais une analyse nouvelle - non étudiée en classe - et réalisée juste avant la prise de parole.

Séance 8

Devant la classe, en binôme, avec support au choix - deux élèves mal à l’aise à l’oral devant le groupe ont choisi, eux, de s’enregistrer - les binômes effectuent l’exercice « Vous avez deux minutes pour nous présenter... ».

Ainsi, les binômes ont évoqué le lyrisme, Hugo poète, la poésie surréaliste … Nous observons des prestations orales de qualité. Tous les élèves ont progressé dans leur expression.

Séances 9 et 10

A l’heure des révisions, au moment où une certaine anxiété se profile chez nos élèves, nous visitons à nouveau toutes les séquences. Afin qu’ils soient toujours acteurs de leurs apprentissages, nous avons pensé à une dernière production. Chaque élève a un spot publicitaire radio à enregistrer sur l’un des textes de leur liste. Ce spot publicitaire sera évalué par la classe et publié sur l’ENT du lycée - pour les élèves dont nous avons les autorisations parentales de publication. Nous avons présenté un modèle d’autorisation (en annexe) à notre chef d’établissement qui a validé le contenu et permis la distribution auprès des parents. Le lieu de publication est donné, le choix de publier ou non est donné, le document est signé. Sans retour de document, si le document n’est pas signé, nous ne publions pas : nous n’en avons pas le droit.

Bilan de l'expérimentation

Les enregistrements ont permis aux élèves de s’auto-évaluer : en cela nous pouvons avancer que le numérique a favorisé l’autonomie. Le numérique a été éducatif, formateur. La classe s’est aussi formée au numérique en manipulant des outils - la tablette, le smartphone. Avec la publication, nous avons mis en lumière le numérique responsable. Le numérique a permis aux élèves d’être dans une posture constructive, créative.

Certains ré-investissent ou s’approprient cette pratique d’enregistrement pour apprendre (des fiches mémo audio, du cours sur la feuille à un enregistrement du cours reformulé …).

Les élèves ont été acteurs de cet apprentissage. Ils se sont investis, ils ont pour certains dépassé nos attentes, nous ont surpris, nous ont montré des compétences insoupçonnées : aisance trouvée, timidité surmontée, effet cherché et travaillé sur le public ; on l’a vu notamment lors de la séance « Vous avez deux minutes et un support pour nous présenter … ». Evidemment, nous pensons aussi que l’oral des TPE, à la préparation duquel nous avons participé, a été formateur. Ainsi, nous ne pouvons de manière scientifique prouver ce que nous avançons ; il aurait fallu un groupe-témoin qui n’aurait pas été engagé dans cette activité et dont on puisse comparer les réactions avec le groupe testé (avec par exemple un premier enregistrement diagnostic à comparer avec le dernier pour mesurer une évolution en posant quelques critères et indicateurs).

Les élèves nous ont rapporté après l’épreuve orale du bac blanc que le fait de s’être entraînés et enregistrés leur avait été profitable. Quand nous leur avons demandé en quoi cela leur avait été profitable, ils nous ont répondu qu’ils avaient des pistes pour démarrer, qu’ils étaient plus attentifs et vigilants quant à leurs éventuels tics langagiers. Enfin, ils ne se découvraient pas dans l’expression orale, puisqu’ils avaient déjà une « expérience »

Nous pensons cependant que le travail devrait être approfondi c’est-à-dire se dérouler sur un temps plus long, afin de pouvoir proposer une plus grande personnalisation aux élèves très timides : jeux de diction, improvisation accompagnée, travail de montage avec des fichiers audio … et ce afin respecter leur rythme tout en dynamisant leur travail.