Magali Eymard Piquette, professeure de lettres au collège Marc Seignobos de Chabeuil nous propose son témoignage sur la Twictée qu'elle pratique avec ses élèves au quotidien pour favoriser l'apprentissage et la réflexion sur la langue.
Propos recueilli par Laïla Methnani, IAN Lettres
Qu'apporte la pratique de la Twictée à vos élèves ?
Je pratique avec beaucoup de profit les twictées depuis septembre 2014. J’ai engagé d’abord une classe de 6ème dans le dispositif, puis deux, et encore deux classes de 4ème.
L’utilisation en classe de ce réseau social de micro blogging permet de travailler en situation l’Éducation aux Médias. En effet, les élèves sont amenés par cette activité à se “référer aux règles de base du droit d’expression et de publication “ (projet de programmes pour les cycles 2, 3 et 4, page 172), en étant confronté quotidiennement à la question de savoir ce qu’il convient ou non de publier en ligne. Ils prennent ainsi conscience des questions d’identité numérique, de droit à l’image, des données personnelles et de correction formelle nécessaire à la production d’un écrit destiné à être lu.
... et sur le plan des compétences orthographiques ?
J’observe de réels progrès orthographiques.Les phrases dictées sont élaborées par les enseignants des différentes équipes de niveaux, en fonction d’une progression dans les difficultés orthographiques, grâce à des outils de collaboration en ligne. Une phrase de twictée a des dimensions réduites : elle ne doit pas excéder 140 caractères, c’est-à-dire moins de 30 mots. Elle comporte des difficultés ciblées et progressives. La récurrence des phénomènes orthographiques permet une appropriation progressive de compétences chez les élèves.
Cette concentration permet un travail précis sans les décourager. Ils abordent l’orthographe de manière positive, en ayant vraiment confiance dans leur capacité de progresser. L’évaluation n’a lieu qu’en fin de séquence, avec la dictée de la phrase qu’ils ont travaillée pendant les différentes étapes du dispositif et une dictée transfert comportant les mêmes difficultés.
En quoi la phrase de négociation est-elle importante ?
Dans ce dispositif, l’exercice de dictée intervient au début et à la fin de la séquence. Les élèves sont mis en position d‘engagement intellectuel lors de la négociation et de la rédaction des twoutils. La dictée individuelle finale est en général très bien réussie.
Dans un « tour » de Twictée, les élèves sont confrontés à un même problème dans des situations de recherche différentes : d’abord seuls, pour la twictée individuelle, puis en groupe, pour la twictée négociée. Enfin, lors de la rédaction des "twoutils", ils envoient de petits « remèdes orthographiques » par Twitter aux classes partenaires dont ils corrigent les dictées.
Qu'apporte à la réflexion orthographique l'adresse d'outils à d'autres classes engagées dans le dispositif ?
Réfléchir sur les erreurs commises par les autres les amène à prendre la voix de ceux qui énoncent la règle et donc de l’intérioriser, tout en se dégageant de la charge émotionnelle liée à une éventuelle « culpabilité », lorsqu’on corrige ses propres erreurs.
Le fait d'utiliser un réseau social, Twitter, engage un langage spécifique, n'est-ce pas ?
Oui, l’utilisation de balises pour coder les règles d’orthographe (#AccordGN, #Homophone, #LettreSon) permet leur évocation rapide : il s’agit de “marqueurs de métadonnées”. En effet, dans un message publié sur Twitter, la contrainte des 140 caractères oblige à beaucoup de précision et de concision. La “balise” qui code les erreurs orthographiques doit être bien comprise par les élèves qui l’utilisent, comme par ceux qui reçoivent le message correctif appelé “twoutil” (outil publié sur Twitter). Elle fait référence à une régularité orthographique qui a été observée, formulée, expliquée, transposée à d’autres moments plus traditionnels du cours de français.
Les élèves recourent à ces balises avec beaucoup de souplesse dans toutes les activités.
Au quotidien, en quoi le dispositif de la Twictée a-t-il fait évoluer vos pratiques ?
Le dispositif me permet d'aller vers davantage de différenciation. J’utilise d’ailleurs ce code dans les copies d’écriture, pour individualiser la correction et cibler les progrès de chaque élève sur les deux “priorités” orthographiques qu’il s’est donné. A la fin du tour de Twictée, avant l’évaluation, je propose une heure de révision avec des capsules vidéo sur les points essentiels, des questionnaires en ligne et des dictées autocorrectives enregistrées. Chacun peut revenir autant de fois qu’il le souhaite aux vidéos et supports de cours et travaille ainsi à son rythme.
Pour conclure, que retenez-vous de la pratique de la dictée négociée ?
L’apprentissage de l’orthographe par la Twictée et d’autres pratiques devient donc continu, ritualisé, progressif et valorisant, et c’est une énorme satisfaction pour l’enseignant et pour les élèves.
Enfin, j’apprends beaucoup de la communauté d’enseignants engagés dans ce dispositif, autant dans la didactique de l’orthographe que dans les usages du numérique. Le travail collaboratif ainsi que la formation par les pairs m’ont été très profitables.