L’expérimentation vise à faire évoluer les représentations des élèves sur la langue française pour les aider à quitter la posture du « écrire comme tu parles » : il s’agit d’amener les élèves à questionner les réalités syntaxiques du français parlé en comparaison avec celles du français écrit. Questionner ce qui relève des normes de l’oral comme de l’écrit peut aider les élèves à progresser en compétences rédactionnelles. En groupe de 4-5 élèves, ils rencontrent et interviewent un/une retraité (e). Le matériau sonore est ensuite récupéré pour devenir un verbatim qu’il s’agira de transposer dans une langue correcte, acceptable à l’écrit. Cet écrit sera à l’issue du projet remis au retraité interviewé.

Une ressource proposée par Laïla Methnani, professeure de Lettres au collège Jean Lachenal (Faverges, 74), formatrice académique, dans le cadre des Heures numériques 2022-2023

Diaporama de présentation

Objectifs

  • Faire évoluer les représentations des élèves sur la langue française pour les aider à quitter la posture de "écrire comme tu parles".
  • Amener les élèves à questionner les réalités syntaxiques du français parlé en comparaison avec celles du français écrit.
  • Questionner ce qui relève des normes de l'oral comme de l'écrit pour aider les élèves à progresser en compétences rédactionnelles.

Compétences travaillées

  • D1.1 - Les langages pour penser et communiquer
    • Comprendre et interpréter des messages oraux et des discours oraux complexes.
    • Lire à voix haute avec la synthèse vocale speechnotes.co.
    • Communiquer par écrit sur supports variés (papier, numérique) en respectant les principales normes de la langue écrite.
    • Langue : comprendre les aspects fondamentaux du fonctionnement syntaxique, connaître les différences entre l’oral et l’écrit.
    • Construire les notions permettant l’analyse et la production des textes et des discours.
  • D2 - Les méthodes et outils pour apprendre
    • Coopérer/respecter les autres.
    • Avoir un usage éclairé de l'outil numérique.

Compétences du CRCN

  • D1 - Informations et données : gérer et traiter des données (passer d'un audio à un verbatim).
  • D2 - Communication et collaboration : interagir et collaborer (utiliser un éditeur de textes collaboratif).
  • D3 - Création de contenu : adapter les documents à leurs finalités (passer d'une production audio spontanée à un écrit normé).

Outils et modalités de travail

  • Deux classes de 3e : une classe rencontre un public de jeunes retraités pour échanger sur leurs souvenirs de lecture, une autre rencontre le "club des Coeurs Joyeux de Faverges", des retraités qui évoquent plus largement des souvenirs associés à leurs 14 ans.
  • En groupe, de façon collaborative durant 4-5 séances : chaque élève est missionné à tour de rôle sur une tâche ou une autre (synthèse vocale, saisie du texte sur le digidoc, correction syntaxique Bon Patron, création d'un nuage de mots avec Voyant tools).

Projet filé sur l'année, du 15 décembre à juin.

Deux rencontres intergénérationnelles.

Travail sur la maîtrise de la langue pendant 7 heures en salle d'informatique.

Rencontre avec les retraités au CDI pour plus de convivialité.

Travail sur la langue en salle informatique.

  • Dictaphone des tablettes Ipad
  • Synthèse vocale speechnotes.co
  • Editeur de textes collaboratifs Digidoc de la Digitale
  • Correcteur d’orthographe en ligne Bonpatron
  • Outil d’analyse en ligne Voyant tools pour travailler sur les champs lexicaux dominants dans la production finale.

Démarche pédagogique

Séance 1 - Les rencontres intergénérationnelles (1h)

En décembre 2022, douze personnes retraitées viennent à la rencontre des deux classes de 3ème. Accueilli au CDI, chaque retraité accepte un temps d’échanges, enregistré avec le dictaphone de l’Ipad, avec un groupe de 4 à 5 élèves.

Il dispose d’ une séance pour évoquer ses 14 ans sur la modalité de « Je me souviens », il peut apporter des photographies, lettres ou objets liés à ses souvenirs d’adolescent. Les élèves ont réfléchi aux mécanismes de la mémoire dans la séquence sur l’autobiographie « Qui suis-je dans ce monde ? ». Ils ont préparé des questions de relance et doivent amener la personne interviewée à reformuler son propos, à le préciser si nécessaire.

Séance 2 - Etude de la syntaxe à l'écrit / à l'oral : les spécificités de l'oral - initiation à la grammaire du français parlé (1h)

Pour comprendre les enjeux du travail sur la langue, les élèves travaillent sur un verbatim modèle extrait du livre L’oral au coeur des apprentissages, de Chambonnière, ESF, 2022. Ils trouveront aussi une aide pour spatialiser le langage dans les travaux de Claire-Blanche Benveniste, Approches de la langue parlée en français, Orphys, 2010.

Trois activités sont proposées dans cette séance : repérer la façon dont la pensée de Léonora Miano, écrivaine, se formule à l’oral, transcrire son verbatim et réaliser une affiche à partir du début de l’interview de Cécile, une retraitée de 93 ans (voir la séance détaillée – élève et professeur - en annexe 1).

Dans l’usage de la conversation, la langue parlée laisse voir les étapes de sa confection : des allers retours sur l'axe syntagmatique permettent d’insérer des corrections, des incidentes, des variantes, des entassements d’éléments paradigmatiques (qui découlent de ces allers retours sur l’axe des syntagmes bien souvent), usage massif d’incidentes où le locuteur commente le mot qu’il utilise,

partage des impressions, etc. Le locuteur semble mener de front plusieurs énoncés qui s’entrecroisent. La structure est polyphonique car en parlant, chacun cherche ses mots, en énumère plusieurs avant de trouver le bon. En comprenant la structure du français parlé, on en vient à mieux comprendre la nature de certaines infractions : certaines « fautes » n’en sont pas à l’oral, même si ce sont des erreurs à l’écrit. Pour autant, tout n’est pas permis, il y a des infractions, et en particulier de celles qui classent ou déclassent : elles agissent comme des marqueurs sociaux, générationnels, géographiques. (Annexe 2- exemples d’affiches réalisées par les élèves.)

Séance 3 - La fourmilière du langage (2h)

A l’issue de cette séance, chaque groupe choisira de travailler sur tout ou une partie de l’interview : cet oral deviendra son matériau « textuel». La classe s’installe en salle informatique : chaque élève occupe un poste de travail ( ordinateur ou tablette). Les consignes sont adressées pour chaque groupe sur Pronote. (Annexe 3 – consignes de travail)

Dans chaque groupe, un élève (élève n°1) écoute l’enregistrement audio présent sur l’Ipad et le dit à voix haute à un camarade (élève n°2) qui le prononce dans le micro afin que le texte apparaisse sur l’application speechnotes.co .

Ensuite, régulièrement, un copier-coller du contenu retranscrit sur speechnotes.co permettra de passer d’un oral à un verbatim que les élèves devront travailler pour qu’il réponde aux normes rédactionnelles de l’écrit. Le texte est collé sur une feuille d’édition collaborative de la digitale: le professeur a généré un feuille digidoc pour chaque groupe.

Installés sur un poste informatique, les élèves n°3 et n°4 du groupe sont chargés de corriger le texte transcrit pour qu’il réponde aux normes de l’écrit. Cela implique pour les élèves de procéder aussi à des choix de ponctuation, de répéter ou non un terme, de se montrer vigilant sur la bonne cohérence textuelle de la production.

Chaque élève passe d’une mission à une autre afin de vivre toutes les étapes du travail.

Le travail se poursuit durant encore 1 heure.

Séance 4 - Remédiation : être garant du code (2h)

Comme l’indique Pilorgé en 2010 sur les postures du correcteur, la posture la plus saillante chez le professeur est d’être le gardien du code or c’est dans cette posture que nous voulons installer tous les élèves pour que l’enseignant puisse passer par les 4 autres postures du correcteur décrites par Pilorgé. Le correcteur d’orthographe en ligne Bonpatron, s’il n’est pas aussi puissant qu’Antidote (payant), présente l’intérêt d’obliger les élèves à se questionner sur la langue. Son usage s’est avéré pertinent au moment d’imprimer les productions des élèves car la correction du code s’est trouvée réduite pour le professeur. Ce dernier a pu se concentrer davantage sur l’activité de révision en lien avec le respect de la cohérence textuelle. (Annexe 4 – exemple de gestes du correcteur sur une production.)

La copie papier corrigée par le professeur est remise aux élèves pour que chaque groupe puisse améliorer cet écrit intermédiaire directement sur leur feuille en ligne Digidoc . Ce travail de passage de l’oral à l’écrit laissera aussi une place à la fiction pour permettre tisser dans une cohérence textuelle le souvenir du retraité : la correction du professeur encourage les élèves à aller dans ce sens quand des « morceaux » de textes manquent.

Séance 5 - Voyant tools : un nuage de mots pour questionner le lexique présent dans l'interview rédigée (1h)

Voyant tools constitue un outil d’analyse lexicale très puissant comme le montre ce tutoriel proposé par Canopé 94. Les élèves ont copié l’ensemble de leur production sur Voyant Tools. Une fois le texte révélé, ils ont choisi une granularité comprise entre 45 et 65 mots pour le nuage de mots de leur interwiew. L’intérêt premier de l’activité réside dans l’observation des mots les plus utilisés. Si on observe que des termes comme « et », « puis » ou des onomatopées « euh » sont très présents, on en conclut que le passage du français parlé au français écrit n’a pas été efficace.

L’utilisation de voyant tools permet de prendre conscience des normes d’une syntaxe orale pour mieux appréhender les normes de l’écrit. Les élèves peuvent poursuivre les révisions sur leur production.

Bilan de l'expérimentation

Le frein majeur à lever est purement matériel : les dysfonctionnements successifs des Ipad en raison des blocages du HUB ont vraiment retardé le déroulement du projet. Au final, les audio des retraités ont été déposés sur le réseau du collège et les élèves ont dû laisser l’usage des tablettes de côté.

L’autonomie des élèves lors de la séance 3 a été surprenante : très vite, ils se sont emparés des différentes missions, se sont organisés dans la collaboration au sein de chaque groupe. Les échanges lors des différentes phases de correction et de révision ont été riches : certains s’agaçaient du manque de clarté du locuteur ; ce qui ne les avait pas du tout dérangés lors de la rencontre avec le retraité en décembre. Si je choisis de reproposer une expérimentation similaire, j’axerai le travail sur la ponctuation. Les élèves ont des difficultés à la maitriser, à associer les silences ou les pauses de l’orateur avec la ponctuation à l’écrit.

L’expérimentation a été une réussite sur plusieurs points : les élèves ont pris conscience de la coexistence « normée » du français parlé et du français écrit. L’usage d’un correcteur orthographique a aussi constitué une plus-value. Ils ont aussi apprécié la collaboration rédactionnelle en ligne qu’ils pourront réinvestir dans tout projet d’écriture collaborative.

Annexes